« L’éveil n’est pas une chose dont on puisse dire : celui-ci est éveillé, celui-là ne l’est pas, » m’avait dit un Précieux Lama en robe safran, au Ladakh ou en Bourgogne, un jour de printemps. Ce moine bouddhiste, appelons-le Surlam Rimpoché, devait avoir de la merde dans son troisième oeil.

Un sensitif voit les auras. Il est aussitôt renseigné sur l’état d’éveil de la personne. L’aura d’un éveillé n’a que peu de rapport avec celle d’un endormi. C’est un fait que j’avais maintes fois vérifié. Mais j’étais tout jeune et plein de respect pour sa robe, je me suis dit « c’est moi qui déconne », et j’ai cru l’homme orange sur parole.

Quelques années plus tard, la lecture de Castaneda m’a fait connaître une série d’êtres plus conformes à ma nature et ma sensibilité. Le nagualisme m’a nourrit l’âme et l’esprit, m’a fortifié le corps, m’a ouvert le coeur et les autres chakras, ce dont les Tibétains en exil avaient été bien incapables.

Et quand, dans Voir ou dans Ixtlan, je suis tombé sur cette réplique de Juan Matus, j’étais aux anges : « Ne me parle plus des Tibétains, dit-il à Carlos. S’ils y connaissaient quoi que ce soit, ils ne raconteraient pas tant d’âneries à propos de cette infinité là-dehors ». Merci Carlito, merci mille fois ! ça fait toujours plaisir de trouver un auteur qui pense comme moi.

Donc, j’oublie les Tibétains et leurs rituels fumeux, et pour vous présenter l’éveil, je préfère vous conter mon expérience. Si d’aventure l’une ou l’autre d’entre vous se reconnaît dans cette évocation, tant mieux, ça peut aider de rencontrer un proche. On se sent moins seule.

Commençons par le début. J’ai fait une première sortie de corps consciente à l’âge de 16 ans, ce qui implique que dès ce moment, j’étais éveillé. Mais je ne le savais pas. A vrai dire, la notion d’éveil m’était tout à fait étrangère. Et puis, selon le mot de mon benefactor, je n’étais alors qu’un bouddha idiot. J’avais les caractéristiques techniques de l’éveillé, et le comportement stupide d’un gamin de 16 ans qui pense plus à courir les filles qu’à l’exercice de la spiritualité.

Surtout, il y a une autre caractéristique de l’éveil qui n’est que trop rarement expliquée. Il y a plusieurs stades d’éveil. Il y a de longs moments où un éveillé ne l’est pas. Rien n’est acquis, rien n’est stable ici bas, rien n’est gravé dans le marbre : la vie, donc l’éveil, sont en perpétuel mouvement.

Au premier stade de l’éveil, j’étais déjà relié à l’infini, puisque je pouvais quitter mon corps en conscience. Mais je n’en avais pas la maîtrise. Les sorties de corps m’arrivaient sans crier gare, et pendant des années je n’y ai pas prêté plus d’attention que ça. Les sorties au cinéma m’intéressaient bien davantage.

Pourtant je savais que mes intuitions étaient justes. Dès cette époque, j’ai appris à comprendre sans réfléchir. Tout me venait sans effort. Très vite, je pouvais répondre aux questions de mes profs sans avoir étudié le cours. Et quand un prof se prenait d’affection pour moi, j’étais prêt à bosser comme un fou pour renforcer ce lien précieux.

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Il n’empêche que l’état d’éveillé m’a vite apporté de menus talents de société qui ont fait le bonheur des copains. Ainsi, lors de nos sorties nature –j’étais scout de France– si d’aventure un de mes potes se blessait, je n’avais qu’à passer la main sur la peau déchirée pour qu’elle se recouse aussitôt, sans laisser de trace.

Chose curieuse : ni mes copains ni moi ne s’en émouvaient. Les miracles sont le lot des adolescents, qui les acceptent de bon gré. C’est toujours ça de gagné, pas de quoi sauter de joie. Après un bref « merci » ils repartaient crapahuter dans la nature, notre alliée, notre reine.

Avec le recul, je n’arrive pas à me souvenir d’en avoir parlé ni à mes parents, ni à aucun prof ou autre adulte avec qui j’aurais été en contact — à mes frère et soeurs encore moins ! C’était une chose sans importance, je ne m’en servais pas pour briller : les copains trouvaient ça normal, moi aussi.

Et je crois qu’une petite voix intérieure me répétait de fermer ma gueule. Ces trucs-là, quand on est ado, on les cache comme des infirmités. On a tellement envie de ressembler à ses potes, ce qui sort de l’ordinaire doit à tout prix être banalisé pour éviter de faire des vagues. Surtout ne pas s’afficher, garder un profil bas et se fondre dans la masse. Pour vivre heureux, vivons cachés.

Gigliola-Cinquetti-200poUne période festive a suivi cette époque. La course aux filles m’a occupé l’esprit, sinon le corps. J’ai pondu des poèmes et des chansons pour toutes les jolies filles du quartier. J’étais amoureux de Hayley Mills, charmante héroïne des Enfants du capitaine Grant, et aussi de Gigliola Cinquetti, qui a remporté l’Eurovision avec sa chanson Non ho l’eta. Tout comme elle, je n’avais pas (encore) l’âge de sortir seul avec une fille, mais ce n’était pas l’envie qui manquait. Et puis ce fut le tour de Marlène Jobert, qui a fait battre tous les coeurs dans sa première apparition à l’écran : Alexandre le bienheureux.

Après une passion dévorante pour Jésus le héros jusqu’à la puberté, où je me voyais déjà prêtre, ma nouvelle religion était devenue celle de l’amour : pas encore l’amour physique, mais déjà le don total de soi. L’éveil, les guérisons et les sorties de corps déjà relégués en arrière-plan, se sont trouvés presque oubliés.

Le temps a passé. J’étais maintenant très attiré par toutes les questions spirituelles, que je collectionnais pèle-mêle, sans le moindre souci de cohérence. Je dévorais Lobsang Rampa, Alexandra David-Néel, George Gurdjieff, Hermann Hesse, Erich von Daniken, Jal-Aladin Rumi, mais aussi Arthur Conan-Doyle –pas pour Sherlock Holmes mais pour son Monde perdu— Henri de Monfreid et Charles de Foucauld.

Plus tard encore, j’ai découvert Carlos Castaneda, et depuis lors, je suis resté très proche de cet incroyable conteur du surnaturel. Ses livres, quoique inégaux, m’ont toujours nourri l’âme, et je lui en sais gré. Un artiste de mes amis m’a présenté la photo d’une grosse dame indienne, en m’expliquant que cette femme pouvait éveiller quelqu’un à son seul contact.

Féru de merveilleux, je contemplai ce visage grassouillet comme si j’avais vu la Madonne. D’ailleurs, cette riche Indienne se prétendait réincarnation de la Vierge Marie, rien que ça, et j’y croyais. L’artiste a mis sa paume un peu au-dessus de ma fontanelle, il a senti un souffle frais et s’est exclamé : « ça y est, te voilà éveillé ! Tu te rends compte, sa photo suffit à éveiller les gens ! »

S’il avait pris soin de vérifier mon état d’éveil AVANT de me montrer cette photo, il aurait pu constater que j’étais déjà éveillé. Qu’importe ? On s’est laissé griser tous les deux, et je suis allé, pendant quelques semaines, suivre les méditations bizarres de la secte que patronnait cette ample Indienne. Avant de passer très vite à autre chose, parce que je n’aime pas les gourous qui se la pètent.

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En tout cas, cet épisode a réveillé des souvenirs enfouis. Je me suis mis à voyager, en conscience, dans les mondes infinis de l’astral. Alors j’ai compris qu’il y a plusieurs degrés dans l’éveil. De même que personne n’est jamais complètement endormi, pas même le pire abruti, de même personne ne se maintient durablement dans la perfection  de l’éveil. Comme une chanson populaire, ça s’en va et ça revient.

J’ai attendu l’âge de 40 ans pour faire ce que les néophytes font à 21 ans dans les sociétés traditionnelles : l’initiation aux petits mystères. Transe profonde, rebirth ou revécu de la naissance, de la vie intra-utérine et des vies antérieures. J’en ai retrouvé 23, pour faire bon poids. Deux ans plus tard, j’ai commencé le travail passant, j’étais devenu passeur d’hommes. En quinze ans d’exercice, j’ai dû faire passer deux douzaines de personnes.

Le rituel, éprouvant pour le passeur, m’a décapé jusqu’au squelette. Vingt fois, j’ai cru mourir, le coeur déchiré. Pourtant, opiniâtre, je n’ai jamais cédé, j’ai supporté le supplice avec la vaillance de Blanchette. Mais au matin, le loup ne m’a pas mangé…

A présent j’ai raccroché. Ce travail n’a plus de sens. Les choses se passent tout autrement, l’époque n’étant plus la même, et les balbutiements des années 2000 sont devenus poèmes et symphonies.

De nouvelles auras ont fait leur apparition. Indigo, cristal, arc-en-ciel… Des enfants merveilleux sont livrés à eux-mêmes, des enfants tuent et meurent comme s’ils étaient virtuels –peut-être le sont-ils. Des enfants chantent, leur rire est notre chariot magique, notre vaisseau-mère qui vient nous emporter loin de notre terre d’exil.  Nautonier d’airain sur sa barque noire, l’archange Michel ou un autre psychopompe nous fera passer le Jourdain, ou franchir le Styx. Là est la vie, l’amour, toute lumière et tout bien.

Là ou ailleurs ?

Source: http://eden-saga.com/


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Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre