Il est de coutume d’associer le monothéisme aux religions abrahamiques, plaçant en tête de liste le judaïsme, suivi du christianisme puis de l’islam. Mais qu’en est-il des autres croyances qui situent le principe immatériel de Dieu suprême au centre de leur dogme, telle la «révolution monothéiste« du pharaon Akhenaton? Plusieurs égyptologues avec à leur tête, au XIXe siècle, Emmanuel de Rougé et Eugène Grébaut soulignent la tendance monothéiste de la religion égyptienne sur la base de documents hiéroglyphiques datant de 3.000 ans avant notre ère.
Les adeptes de cette thèse soutiennent que les multiples divinités du panthéon égyptien ne sont rien d’autre que des représentations des différentes facettes de l’Unique, quand ils ne décèlent pas dans l’exercice du polythéisme «les débris d’un monothéisme primitif«, opérant par la même occasion une distinction entre les croyances du peuple et l’initiation ésotérique à la sagesse sacrée dans le secret des sanctuaires.
Mais c’est sans doute la réforme religieuse du roi Amenhotep IV, rebaptisé Akhenaton qui contribua à l’émergence des théories les plus originales à partir du XXe siècle. Initié aux arcanes de la science divine, Akhenaton entama en compagnie de son épouse royale Néfertiti une profonde révolution religieuse et politique. Entre 1348 et 1331 av. J.-C., il bannit en effet l’adoration des divinités traditionnelles notamment l’impérial Amon de Thèbes et institua le culte sans partage d’un dieu universel avec pour nom Aton et pour emblème, un disque rayonnant, symbole de Lumière. Les hymnes à Aton, inscrits sur les parois de tombes de la capitale Amarna expriment d’une manière formelle l’unité fondamentale de l’être divin, source de vie, transcendant, «dominant tout de sa hauteur«, aimant ses créatures… Un de ces hymnes, échappant à la vengeance des prêtres d’Amon, est ainsi traduit pour la postérité dans un élan mystique et des accents lyriques qui nous sont bien familiers: «Comme tes œuvres sont multiples, mystérieuses aux yeux des hommes! Ô toi le Dieu unique à part lequel il n’y en a pas d’autres (…)«.Mais après tout juste dix-sept ans de règne, le roi déclaré «hérétique« trouva la mort dans des circonstances mystérieuses. Il est succédé par son fils Toutankhamon, puis par le général Horemheb qui inaugura la dynastie des Ramsès, restaurateurs des cultes anciens, sans pour autant signer la fin radicale du monothéisme en Egypte pharaonique. Si certains auteurs remettent en question la «vision romantique« de la religion d’Akhenaton pour faire du monothéisme, non sans arrière-pensée idéologique, l’apanage de la culture judéo-chrétienne, d’autres persistent à y voir l’expression de l’instauration d’«un premier monothéisme universel ».
Le professeur d’égyptologie à l’université de Bâle Erik Hornung considère comme légitime la désignation de l’Egypte comme «berceau du monothéisme« et fait d’Akhenaton le «premier homme moderne« dans l’invention d’un «principe unique« expliquant «la création du monde«. Pour sa part, le professeur au Collège de France et spécialiste de l’histoire biblique Thomas Römer affirme sans détour dans la préface de cet ouvrage collectif au titre évocateur «Ce que la Bible doit à l’Egypte« que «sans l’Egypte, il n’y aurait pas de Bible ».
Mais c’est surtout Sigmund Freud qui apporta d’en haut de sa chaire de psychanalyste une contribution originale par son application de concepts psychanalytiques à la religion dans son ouvrage controversé, «L’Homme Moïse et la religion monothéiste«. Publié en 1939 après vingt années de rédaction, il y salue en Akhenaton le maître de Moïse, privilégiant le postulat d’une filiation spirituelle directe entre les deux «prophètes monothéistes«. Nous savons d’après la tradition que Moïse est le fondateur de la religion juive, auquel fut révélée sous l’inspiration divine, la Torah, au sommet du mont Horeb dans le désert du Sinaï. Prophète, guide, législateur, il conduit les enfants d’Israël hors d’Égypte vers le pays de Canaan. Sa naissance en Egypte au XIIIe siècle av. J.-C., soit environ un siècle après Akhenaton, permit l’élaboration d’un ensemble de théories qui font des Hébreux les partisans persécutés d’Akhenaton.
Laissons de côté les probabilités psychologiques de Freud dénuées de solides fondements selon lesquelles Moïse serait Egyptien et arrêtons-nous sur son nom en lui-même: Mosche en hébreu, Moussa en arabe. Un nom qui ne saurait être hébreu, ni signifier dans cette langue (Le sorti des eaux) d’abord nous dit Freud, pour des raisons d’incompatibilité étymologique, mais aussi parce que c’est une princesse égyptienne qui aurait fait sortir l’enfant du Nil. Or, il serait insensé d’attribuer à une princesse égyptienne la connaissance de l’étymologie hébraïque. De plus, le père de la psychanalyse s’appuie sur la thèse de l’archéologue américain James Henry Breasted pour faire dériver le nom, de l’égyptien Mose, signifiant «enfant«. Par ailleurs, la désignation même de Dieu par les Hébreux sous la forme Adonaï (Mon Seigneur) rappelle une possible identité avec le nom d’Aton (comme ce serait le cas pour le nom du dieu syrien Adonis). Théorie confirmée par l’égyptologue et archéologue hébraïsant, Roger Sabbah, qui se base sur des données archéologiques, littéraires et sémantiques pour faire remonter les origines de la Kabbale et de l’Ancien Testament à l’Antiquité pharaonique par l’analyse de points communs entre l’alphabet hébreu et les hiéroglyphes et par l’établissement d’analogies entre les habits de cérémonie de pharaon et ceux des rites sacrés hébraïques (kippa, téfilines…).Parmi les similitudes relevées entre les deux religions figurent au-delà de la conception de l’unicité de la divinité le rejet de l’anthropomorphisme et l’interdiction de la représentation de Dieu. Akhenaton visait par-là à mettre fin aux divergences entre les populations autour de leurs différentes représentations et Moïse dans sa Loi à faire appréhender la divinité de manière abstraite et métaphysique.
Deuxième point significatif: la pratique de la circoncision dont l’historien Hérodote fait remonter la paternité à Égypte où des gravures rupestres attestent son existence depuis le Néolithique; tandis que les textes religieux en font, par ailleurs, l’acte d’alliance entre Dieu et Abraham.
Evidemment, il ne s’agit pas ici de chercher à décerner la primauté à un peuple au détriment d’un autre, titillant tous les ethnocentrismes, mais bien au contraire, d’ouvrir des pistes de réflexion autour d’un sujet à vaste portée dont le maître mot est l’universalité et la pérennité de la Révélation.
Mouna Hachim
[Source] http://www.lesamisdhermes.com/
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Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre