Connaissez-vous Aimee Curtright et Shazeen Atari ? Ces deux ingénieures s’engagent dans la lutte aux changements climatiques avec passion. La première œuvre pour la corporation RAND, une institution américaine sans but lucratif qui soutient les décisions politiques par des études scientifiques, tandis que la seconde travaille pour l’Université de l’Indiana et s’intéresse au rôle de l’émotion dans la compréhension des changements climatiques.

« Ce sont deux passionnées et défenderesses du bien commun qui m’inspirent beaucoup », annonce Ketra Schmitt de l’Université Concordia. La professeure associée du Centre for Engineering in Society participe au colloque sur Le génie par et pour des femmes : rompre avec le déséquilibre femmes-hommes en génie qui se tient mardi dans le cadre du Congrès de l’Acfas.

Il semble bien difficile de nommer une femme géniale et inspirante pour les femmes. Lorsqu’on parle de génie, l’ombre masculine plane encore. « J’ai honte à l’avouer, mais nous sommes conditionnées contre l’utilisation de ce terme pour les femmes et cela a de nombreuses répercussions, des lettres de référence jusqu’à l’évaluation de l’enseignement. Mais aussi de la manière la plus importante : combien nous nous voyons nous-mêmes et combien les jeunes femmes manquent de modèles inspirants », ajoute la chercheuse.

Depuis 30 ans, les programmes de sensibilisation auprès des jeunes filles se multiplient, pourtant le pourcentage de participation des filles aux études en génie demeure faible, soit environ 20 %. Entre 2016 et 2017, sur 2719 nouveaux ingénieurs qui ont joint les rangs de l’Ordre des ingénieurs du Québec, seulement 541 étaient des femmes — on parle même de 14 % pour l’ensemble de la profession. Ils sont rares, les programmes de génie universitaire où la participation des femmes dépasse ce taux, quoique le génie chimique et biomédical ait la cote chez les filles.

« Elles ont pourtant un grand intérêt pour le génie. Alors, notre hypothèse est que le travail, et leurs conditions, doivent s’adapter pour les attirer en plus grand nombre », relève Donatille Mujawamariya, professeure de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa et coorganisatrice du colloque à l’Acfas.

La chercheuse rappelle d’ailleurs que la première étudiante en génie de l’Université d’Ottawa n’a gradué qu’en 1963. Sa récente étude auprès des étudiantes et étudiants de premier, deuxième, troisième cycles et de leurs professeurs en génie du Canada, de 2011 à 2017, a montré qu’hommes et femmes, sont unanimes pour dire qu’avoir plus de femmes en génie bénéficierait à l’ensemble de la société.

C’est pourquoi la Pre Mujawamariya propose trois solutions. Tout d’abord, elles doivent travailler sur des sujets qui les concernent, comme la santé et le vieillissement — une ingénieure participante du colloque y présente par exemple son invention destinée à améliorer l’absorption de serviettes destinées aux personnes incontinentes.

Ensuite, il faudrait obliger tous les étudiants du 1er cycle universitaire à suivre un cours d’introduction au génie. Troisièmement, il faudrait inclure les hommes dans la « solution ». Car ce ne serait pas un problème de femme pour les femmes. « Je pense que cela commence à la maison, les pères qui ne pensent pas que le génie pourrait intéresser leur fille doivent leur en parler et les motiver, sans compter aussi les hommes du milieu académique et de l’industrie qui doivent s’adapter de manière inclusive », sanctionne Pre Mujawamariya.

La réalité d’ingénieure sous la loupe

Une soixante d’ingénieures québécoises travaillant dans des firmes de génie-conseil, dans de grandes entreprises technologiques, dans le secteur public, ainsi que des professeures d’université en génie, ont témoigné de leur réalité à la professeure en génie mécanique de l’Université Laval, Claire Deschênes.

« Elles adorent leur travail et le travail d’équipe. Lorsque leur crédibilité est bien établie, elles ont confiance en elles et avancent bien dans leur carrière », confirme celle qui a été la première femme professeure en génie à la Faculté de sciences et de génie de l’Université Laval en 1989. Même s’il persiste quelques difficultés, par exemple la difficile conciliation travail-famille lorsqu’elles doivent aller sur les chantiers ou quelques cas de sexisme surtout chez les plus jeunes, le principal problème reste leur faible nombre au sein de cette profession.

Cette étude s’inscrit dans une action concertée qui vise à comprendre la progression et la rétention des femmes dans les professions et métiers réservés autrefois aux hommes. Et comparées à d’autres professions, les conditions de travail des ingénieures s’avèrent plutôt positives. « Bien meilleures que celles des médecins et bien moins compétitives que le droit. Et les entreprises font la promotion de l’égalité et de l’équité et mettent en place des programmes pour faciliter l’engagement et la progression des femmes en génie », relève la chercheuse.

Et plus de femmes en génie pourrait même transformer les objets qui nous entourent. « Ce n’est pas une femme qui a conçu l’appareillage de mammographie qui écrase les seins des femmes ou encore la ceinture de sécurité qui comprime les ventres des femmes enceintes. Elles n’ont pas les mêmes préoccupations ni la même façon d’aborder un problème », soutient encore la Pre Mujawamariya. C’est pourquoi les femmes ont beaucoup à apporter au génie.

[Source] http://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/


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Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre