Assassiné il y a 50 ans, le défenseur des damnés de la terre n’était pas qu’un rêveur. Il était une sentinelle pour l’humanité et son combat est universel.

Entre l’évocation de Martin Luther à l’occasion des 500 ans de la Réforme et la convocation de la mémoire de Nelson Mandela, apôtre de la réconciliation, il y avait une place naturelle pour Martin Luther King, inspiré par l’un et inspirateur de l’autre.

Il était né Michael King, porteur du prénom paternel, et il fut rebaptisé en même temps que son père de retour d’un voyage en Allemagne en… 1934 (!) King senior, pasteur militant incarnant un christianisme social exalté, a tenu ainsi à marquer la filiation entre Réforme et tradition évangéliste noire-américaine.

Martin Luther King Jr. reprendra le flambeau paternel comme prédicateur, résistant, militant des droits de l’homme, défenseur des plus pauvres, porte-étendard des damnés de la terre. Mais il portera ce combat bien au-delà d’Atlanta et de l’église d’Ebenezer.

Ayant étudié la philosophie en même temps que la théologie, lu Marx et médité l’œuvre de Gandhi, animé d’une foi ardente, il était doté d’un don d’orateur hors du commun. Sa voix portera dans toute l’Amérique, elle soulèvera les foules (noirs et blancs confondus) et au-delà, elle animera tous les mouvements non-violents dans le monde, jusqu’en Afrique du Sud.

Dans son discours d’acceptation du prix Nobel de la Paix en 1964, il dira : « J’ai l’audace de croire que partout les peuples peuvent avoir trois repas par jour pour nourrir leur corps, une éducation et un accès à la culture pour nourrir leur pensée, la dignité, l’égalité et la liberté pour nourrir leur esprit. Je crois que des hommes inspirés par l’amour du prochain pourront reconstruire ce qu’ont détruit des hommes inspirés par l’amour de soi. »

Car son combat n’était pas qu’un combat local. Non, son combat est universel, et il devrait être le nôtre, en tout temps et en tout lieu, tant qu’il y aura de l’injustice, tant qu’il y aura des oppressés et des oppresseurs, tant que la misère des uns sera le terreau sur lequel se développe la richesse des autres.

« I have a dream »

Aujourd’hui, cinquante ans après son assassinat, alors que s’abat sur l’Amérique le fléau de l’exclusion, alors que triomphe le règne de l’argent, alors que le monde entier semble se recouvrir d’un voile de ténèbres qu’épaississent chaque jour la violence ordinaire, le repli identitaire et la haine de l’autre, il n’est pas inutile de se souvenir de lui, qui pensait, comme Dante, que « les endroits les plus brûlants de l’enfer sont réservés à ceux qui restent neutres aux époques de crise morale ».

On peut lire et relire ses sermons et ses discours, ou mieux, regarder les enregistrements qui en restent, car l’exaltation qui émane de sa voix, de son regard, de son être, est bouleversante. On peut aussi visiter le mémorial qui lui est dédié à Atlanta (à condition de ne pas être empêché, par ses origines ou sa religion, de fouler le sol américain !).

J’y suis allée il y a dix ans déjà et l’émotion qui m’a saisie alors reste intacte. J’ai compris ce jour-là ce que signifie l’expression « la foi déplace les montagnes ». J’ai compris que Martin Luther King était une sentinelle pour l’humanité. Pas seulement un rêveur. Il l’a prouvé : une doctrine politique de l’amour est possible et elle est d’une redoutable efficacité.

Mais il faut avoir la force d’aimer et accepter que l’on puisse mourir pour la vérité. Lui avait par avance assumé ce destin, comme en témoigne son dernier discours, donné à Memphis. On y décèle un pressentiment de la mort qui l’attend, on y entend comme le bilan d’une vie, un appel à continuer le travail après lui. Non pas en le pétrifiant dans des statues et des discours mémoriels, mais en lui emboîtant le pas.

En poursuivant le rêve du révérend King, qui, loin du rêve américain, celui de la réussite matérielle et de la conquête, est une exigence de liberté et d’action au nom des valeurs humaines les plus sacrées. En œuvrant chaque jour à faire advenir un peu de lumière et beaucoup d’amour en ce monde qui en a tant besoin.

Leili Anvar

Docteure en littérature, maître de conférences aux Langues O’ (Inalco), auteure du Cantique des oiseaux d’Attâr (Diane de Selliers, 2012).

 © Illustration de Bruno Bressolin

Source: http://www.lemondedesreligions.fr/


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Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre