Peu de gens connaissent Chris Messina, père de l’incontournable mot-clic (« hashtag »), mais plusieurs curieux se sont déplacés jeudi soir pour entendre l’Américain mettre certains bémols à son fameux dièse électronique.
Invité par la Factry, un centre consacré à la créativité en plein centre-ville de Montréal, Chris Messina fait bien peu de vagues depuis qu’il a lancé l’idée, à l’été 2007, d’utiliser le symbole du dièse pour regrouper certaines discussions sous un même mot-clic.
Je n’étais qu’un gars bien ordinaire qui est entré dans les bureaux de Twitter pour leur suggérer une idée
, a-t-il tout bonnement raconté. À l’époque, le bâtiment n’était pas très sécurisé!
Le choix du dièse s’imposait avec l’arrivée des téléphones connectés à Internet et la forte percée de Twitter sur les appareils mobiles.
C’était la seule touche du clavier qui ne servait à rien!
Les dirigeants de Twitter balaient toutefois l’idée du revers de la main : mettre un dièse devant des mots pour répertorier électroniquement les contenus était un réflexe beaucoup trop pointu pour le commun des mortels.
Moi-même je ne savais pas trop comment l’utiliser! Si vous regardez mes premiers tweets, je n’utilise clairement pas les mots-clics de la bonne façon
, rigole-t-il.
Pourtant, quelques mois plus tard lors des feux de forêt à San Diego, le #sandiegofires devient viral. C’est un ami de Chris Messina qui, à sa suggestion, lance le mot-clic.
C’est devenu un outil médiatique pour faire plus facilement sortir l’information auprès des gens qui s’intéressent à une question
, juge-t-il.
Depuis, Twitter et surtout Instagram ne peuvent se passer de ce symbole.
Le mot-clic a connu un énorme succès surtout à cause d’Instagram
, ajoute M. Messina. Parce que les gens diffusaient beaucoup de photos, mais comment les retrouver? Les gestionnaires ont vu ce qui se passait sur Twitter avec les mots-clics et ont importé l’idée sur Instagram.
Les trois mots-clics qui ont changé le monde
Sans hésitation, Chris Messina énumère le #MeToo, le #BlackLivesMatter et le #YesWeCan comme les mots-clics ayant, à son avis, changé le monde.
Mais ce sont ceux au sommet de la pile, il y a plusieurs conversations qui tournent autour de mots-clics qui sont peut-être un peu plus bas dans cette liste et qu’on ignore, mais qui permettent aux gens de dialoguer
, ajoute-t-il.
Et pour ces mots-clics ayant eu un impact important, d’autres, plus futiles, font sourire son créateur.
Il y a certains comportements qui sont associés à des mots-clics, comme #yolo… Je comprends que les gens s’ennuient, mais nous n’aurions pas les mots-clics avec beaucoup d’impact sans ceux-là, qui sont plus rudimentaires.
Il n’a cependant jamais essayé de faire breveter son invention, laissant le mot-clic accessible à tous, ne voulant pas entremêler propriété intellectuelle et espace public.
Internet m’a été utile personnellement en me donnant un espace de liberté, et je voulais redonner aux internautes un outil qu’ils pourraient employer, quelle que soit la plateforme qu’ils utiliseraient
, explique-t-il.
Jeune adepte de l’informatique
Chris Messina a compris tout le pouvoir du web à un assez jeune âge : en 1999, il a créé des pages web pour son école secondaire et pour plusieurs clubs, dont celui de l’alliance des étudiants gais. L’administration n’a pas aimé et il a été suspendu.
Le directeur avait jugé que je forçais l’école à prendre position par rapport à l’alliance des étudiants gais, parce que j’avais mis une bannière du club sur le site web de l’école que j’hébergeais moi-même
, raconte-t-il.
C’est à ce moment qu’il a pris conscience que nous avions besoin de plus de technologie pour communiquer.
Après des passages à la fondation Firefox, chez Google et chez Uber, Chris Messina se fait maintenant plus critique face aux médias sociaux et à la technologie.
Je m’inquiète pour l’humanité, c’est sûr
, a lancé le créateur du mot-clic qui a notamment donné son avis sur l’intelligence artificielle, les assistants personnels comme Alexa d’Amazon ou l’application FaceApp, très populaire au cours des derniers jours.
La médiation constante de nos interactions est une anomalie
, croit l’Américain qui espère que les prochaines générations trouveront une solution pour être moins dépendantes de nos écrans.
Nous sommes mûrs pour un grand bond en avant technologique.
Il doute également de la capacité des pouvoirs publics à bien encadrer les géants informatiques comme Facebook, Google ou Amazon.
Après 15 ans, on ne sait toujours pas quelles questions poser aux entreprises gérant les réseaux sociaux [pour obtenir plus de transparence], laisse-t-il tomber, tout en ajoutant qu’il y a un fossé générationnel entre les élus et les usagers de ces plateformes.
Chris Messina espère également que le développement d’Internet dans des marchés émergents aidera à diversifier le bassin de concepteurs travaillant dans la Silicon Valley.
On vient tous du même milieu
, juge celui qui croit que l’informatique est dominée par les hommes blancs américains. On doit prendre un pas de recul et reconnaître qu’on ne peut pas avoir la réponse à tout, puisque notre perspective sur la vie est limitée.
[Source] https://ici.radio-canada.ca/
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Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre