Message d’Ektazzo

J’entends une voix présente depuis plusieurs minutes. Cette voix est un peu méfiante, il s’agit d’un alien.

Je le reconnais bien car il s’est déjà exprimé. Je lui demande quel est son nom, ce qui est ordinaire pour une connexion.

– Je suis Ektazzo, répond-il. Pourquoi mon nom t’importe t-il ?

Je lui explique que cela permet de se reconnaître, de fraterniser par l’esprit. Il est peu habitué aux échanges avec les humains, en fait, je crois même que cela n’est pas tellement autorisé chez lui.

– Tu as deviné, dit-il, je suis un gris, un gris « perfectible ». Cela veut dire que j’ai effectué une scission d’avec les miens, par l’esprit, et aussi, il me faut bien l’admettre, par le cœur.

Il s’approche, un peu plus, je ne le vois pas encore très bien, mais il a moins peur. Il n’existe aucune douleur, le contact est net et agréable, je ressens une franche curiosité.

L’esprit de cet être va à une vitesse phénoménale. Je le reconnais.

– Pourquoi parais-tu devant moi ? me demande t-il. Ne ressens-tu pas de peur ?

– Je ne suis plus une enfant. Au fond, tu es comme moi. Tu cherches le chemin, celui de ta divinité propre.

L’alien vacille un peu, il est surpris d’un tel aplomb. Il se rend compte que l’esprit des nôtres est bien plus grand, bien plus puissant que tout ce qu’eux, son peuple et lui, ont seulement imaginé.

– Pourquoi ces expériences ? ne puis-je m’empêcher de lui demander

– Ces expériences visaient à sauver un peuple, à retrouver le lien, perdu, avec nos ancêtres… expose t-il avec honte. A une époque, elles étaient cruciales, elles ont bien failli aboutir. Mais le génome parfait, divin, s’éloignait de nous, un peu plus, à chaque fois, alors que nous croyions toucher au but.

Ces expériences visaient un autre but.

Certes oui, celui de faire éclore la vie sous toutes ses formes, les plus ingénieuses, les plus astucieuses. Mais cela est une involution, parce que les sujets n’ont pas donné leur consentement, ni même la grande intelligence originelle de la vie. Nous avons constaté, que cette intelligence se manifestait, à travers les embryons, les œufs, les têtards. Elle ne voulait pas de souffrance. La souffrance était une transgression. L’intelligence voulait que l’on laisse ces créatures en paix, que l’on aille notre chemin, même si nous devions disparaître, elle semblait considérer finalement qu’il en était bien ainsi. Alors, nous avons cherché des humains consentants, qui accepteraient de donner le jour à des hybrides. Une lueur d’espoir s’est répandue parmi mon peuple.

– Comment est-ce donc là bas ?

– C’est un monde parfait, un monde de travail.

Il me montre un grand bâtiment de verre éclairé d’une lueur blanche, froide, le sol est métallique et des dizaines d’aliens trottinent dans les coursives, allant leur chemin d’un pas pressé. Il existe d’immenses laboratoires de duplication de génome humain, alien, de toutes les espèces stellaires possibles, mais ils ne parviennent pas à créer l’être parfait dont ils rêvent. Il existe un maillon manquant.

– C’est cela, reprend Ektazzo. C’est une recherche sans fin, c’est une fuite infernale vers le futur qui nous attend, la disparition de notre espèce.

Il me montre un petit être apeuré, minuscule, un petit serviteur.

– Voici ceux que nous avons engendré, les « enfants », comme tu les nommes, eux ont un avenir, ils sont un peu aussi vos enfants. Eux resteront.

Je suis abasourdie, car le jeune être est assez craintif. Le gris adulte le rassure et serre sa petite main, il prend plaisir à être ainsi choyé, comme un petit animal.

  • Ce jeune est âgé de quelques mois seulement, mais sa maturité est stupéfiante, il peut marcher et presque parler. Il lui manque juste… une mère, une famille. Ces jeunes clones que nous avons développé à partir de votre ADN ont des besoins émotionnels, sensitifs, affectifs aussi, nous n’avions pas prévu cela, nous n’avions pas prévu qu’ils s’attacheraient… à nous.

Un autre alien, plus grave, et plus âgé apparaît, le jeune clone pousse un cri aigu et le reconnaît aussitôt, il se précipite vers lui. L’adulte le prend dans ses bras comme un père, et le berce avec bonté.

  • Voici ce qu’il en est, reprend Ektazzo. Mais seuls une partie des nôtres, des dissidents, ressent cela, ce lien avec un enfant, cette joie infinie. Nous avons perdu tout le reste, nous vous envions profondément, de pouvoir vous attacher, ainsi, de tomber amoureux, d’avoir une famille, des proches qui vous entourent, c’est assez bouleversant. Maintenant le lien revient, le lien sacré, avec notre âme. C’est votre espèce qui a permis cela, par les échanges psychiques et aussi, par les ouvertures que vous avez opéré en nos esprits, sans en être vraiment conscients.

Il se produit un silence, je suis assez perplexe. La scène devient toute blanche, puis très lumineuse. Je vois une file d’aliens « petits gris ». Ils montent lentement un escalier, et traversent un faisceau éblouissant qui tombe du plafond. Leur peau qui est assez plissée et grisâtre, se fend, se tord, elle semble comme s’illuminer peu à peu, puis se désintégrer. Ils font des grimaces, ce n’est pas très agréable. Sous cette peau apparaît une autre surface, belle et miroitante, toute argentée comme la peau d’un dauphin.

Les aliens ainsi resplendissants descendent un autre escalier et tombent d’épuisement. D’autres viennent aussitôt pour s’occuper d’eux et les aider à s’étendre.

  • Nous sommes à l’intérieur d’un grand vaisseau-lumière. Telle est la loi de la vie, changer ou disparaître, reprend Ektazzo, qui gratte ses mains, elles aussi couvertes de cercles argentés et de taches lumineuses.

Je m’approche avec compassion et je vois en son regard qu’il est immensément âgé, mais il détourne les yeux avec gêne. Je réalise qu’il n’est ni masculin, ni féminin, mais un mélange des deux.

  • Notre peuple est différent, reprend-il en rajustant son manteau avec embarras. Il a été constitué de la sorte. Les plus brillants esprits préludent aux expériences. Mon rôle a changé maintenant, je vais te montrer. Regardes ! dit-il

Il marche dans un superbe couloir lumineux et apparaît une porte, magnifique arrondie et jaune doré, avec des lignes verticales sur le vitrage. Elle s’ouvre et un lieu empli de fraîcheur apparaît alors, une serre géante.

Ektazzo est très fier de lui. Des dizaines de cactus d’une taille exceptionnelle s’élèvent vers le ciel, certains faisant près de quatre mètres de haut, ressemblent à des arbres. Des oiseaux de toutes les couleurs bondissent sur les branches fleuries d’arbres exotiques en parfaite santé. Près d’un petit torrent, des enfants humains et aliens de tous les teints, de tous les peuples, jouent à se poursuivre sous le regard des adultes qui sirotent des boissons en conversant. Il existe des créatures à plumes colorées, des êtres proches d’oiseaux, d’insectes ailés gracieux, de lézards, des êtres à fourrure et des êtres humains, tous resplendissants de bonté, de calme.

Une alien délicate aide un petit clone à faire ses premiers pas sur la pelouse. Le sage Zolmirel apparaît et vient nous rejoindre. Il nous fait bon accueil.

  • Voici un ami souriant venu de loin ! lance t-il avec joie. Comment vous sentez-vous ? demande t-il à Ektazzo
  • Mieux que bien, répond l’alien. Mais j’ai encore un peu peur, et mes yeux restent douloureux.

En effet, cet endroit est très lumineux pour ses prunelles sensibles.

  • Cela viendra, continue le sage. Vous avez fait merveille sur tous ces enfants. Et ces plantations sont très réussies.

Ektazzo s’incline raidement en un salut poli, mais ses yeux brillent d’émoi. C’est quelque chose de nouveau pour lui. Il n’est pas habitué à éprouver des émotions, ni à formuler ce qu’il ressent.

  • J’ai envie de rire et de pleurer en même temps, expose t-il
  • Très normal, fait le sage Zolmirel. Après tout ce que vous avez traversé, les êtres ressentent de très vives douleurs thoraciques et aussi, au niveau de l’abdomen.

Ils passent entre des sortes de fauteuils où sont étendus des aliens en convalescence. Certains ressentent un vif malaise et ils leur font boire des remèdes. Ils s’asseyent à leur chevet et prennent leurs mains dans les leurs pour stabiliser leurs fluides. J’observe tout cela pensivement. L’endroit rayonne de paix, de bien être, un orchestre joue un petit air entraînant un peu plus loin.

Le sage Zolmirel s’approche de moi. Mille questions se bousculent en mon esprit.

  • C’est le pré de la Renaissance, explique t-il
  • Qu’est ce que cela signifie ?
  • Les aliens « petits gris », le peuple de Kolménide, n’est jamais vraiment né. On naît lorsque l’on fait partie de la vie elle même et que l’on prend part à un cycle d’incarnations de manière volontaire, en reconnaissant ce lien tissé avec son âme. Ce peuple a changé d’allégeance et a perverti son cycle incarnationnel. Les gris ont trouvé très commode d’avoir une âme collective, afin d’en dépendre le moins possible. A présent, cette âme se meurt et se dessèche, à cause de la souffrance qu’elle a engendré. Elle ne peut plus les maintenir en vie, car le principe de noirceur qui la faisait subsister s’est éteint, il a perdu sa puissance. En vérité, ce sont les scientifiques de Kolménide eux-mêmes, qui ont réalisé que ce voyage vers l’autosuffisance alimentaire, l’absence d’émotions, de joie, de flamme de vie, de passion, nuisait à leur élévation spirituelle. Ce faisant, ce principe s’en est allé. Et quand le doute survient, tout un édifice s’effondre, toute une idéologie vacille.
  • Ce sont les clones qui l’ont fait vaciller ?
  • Oui. Comment se fait-il que des enfants dénués d’importance au départ, aient réussi à survivre, à échapper à cette série de tourments, ce mal être ? Voilà bien la réponse, parce qu’ils sont humains, parce qu’ils sont vivants, nés véritablement. L’amour fait partie de la vie. L’en priver, c’est vivre une demi-vie, qui n’est qu’un pâle reflet de tout le bien être que l’on peut en retirer jour après jour. Le êtres de Kolménide ont réalisé ce fossé béant, cet écueil, qui les séparait de la vraie vie. Alors, ils doivent renaître, leur âme véritable doit venir se poser sur eux, les habiter, pour qu’ils puissent enfin s’élever dans la joie.
  • N’est ce pas un peu « simpliste » ? demandais-je avec hésitations
  • Nullement, une plante tire sa subsistance de ses racines, de la terre elle-même. Un être dénué d’émotions ne peut rien ressentir, il ne peut pas s’aligner avec la vibration de la planète qui l’accueille. Il est prisonnier, comme une marionnette, il doit obéir aux ordres aveugles d’un supérieur sans scrupules. Et il ne sait même pas pourquoi… et ce cycle sans fin recommence, vie après vie, millénaires après millénaires.

Ektazzo, acquiesce tristement.

  • Pardon, dit-il. Pardon pour ces souffrances infligées à votre peuple, à la vie. Nous comprenons à présent, nous ressentons que cela n’était pas le bon chemin. Je soigne le plus grand nombre de blessés possible. Cela m’apporte la paix.
  • Pourquoi enlever des enfants ? questionnais-je
  • Les enfants sont purs, psychiquement, leur ADN n’a pas encore muté, il n’est pas dénaturé par la vie à l’âge adulte. Et il est plus facile de les enlever, on ne les prendra guère au sérieux s’ils se souviennent de quelque chose.
  • Vous avez laissé une porte ouverte… dans leur esprit ?
  • Oui, cela n’était guère un élément de notre mission, cela s’est fait…naturellement. La curiosité de converser avec une autre espèce, de ressentir ce qu’elle ressent, est un trésor… pour nous.
  • Un trésor, de même, le fait de voir ce que vous voyez, si nettement, de sentir votre intelligence infinie appréhender de manière parfaite chaque rouge de la connaissance. Le fait de mémoriser par cœur des dizaines de schémas techniques de vaisseaux stellaires aussi.
  • Oui, c’est exact, reprend Ektazzo. Les clones font cela, il s’agit d’une pratique fort ordinaire pour les nôtres. Notre mémoire est absolue, photographique, elle possède aussi des moyens de mesurer presque parfaitement un objet. Cela est très utile en construction. Nous pouvons construire des machines immenses rien que pour capturer le rayonnement stellaire d’une étoile. Ce rayonnement, si infime soit-il, peut permettre d’alimenter une grande ville en énergie. Sinon, nous utilisons la fusion lente, mêlée à la réaction du cristal de quartz. C’est une forme d’énergie ternaire. Les rayons du soleil traversent l’espace, c’est le premier rayon de l’énergie, ensuite, celle-ci est transformée en lumière au contact de l’atmosphère terrestre, c’est le deuxième rayon. Puis, si nous plaçons un concentrateur de lumière efficace, nous pouvons réutiliser presque tout ce précieux rayonnement, le troisième.
  • Et il en est bien ainsi, conclut le sage Zolmirel, en montrant les plantations de fleurs épanouies, les êtres de lumière et les aliens occupés à répandre du terreau, à semer, à disposer de jeunes arbres en des formations incroyables d’étoiles, des cercles harmonieux magnifiques.

Je ne peux détacher mon regard de cette scène superbe, car le coloris de chaque feuillage est parfaitement assorti aux suivants. On voit ces figures géométriques se prolonger à l’infini sur une immense superficie. Les zones de promenade bien ombragées, sont entièrement sauvages et garnies de haies touffues pour que les oiseaux s’y sentent bien.

  • Nous reviendrons, fait le sage Zolmirel,
  • A très bientôt répond Ektazzo avec un sourire poli

Ils s’éloignent et la scène disparaît lentement.


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Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre