En compilant plus de 30.000 observations de 12.000 espèces animales et végétales, une équipe de chercheurs français a pu préciser leur vitesse de remontée vers les pôles et vers des altitudes plus élevées pour répondre à la hausse des températures. Pour les déplacements vers les pôles, les espèces marines s’en tirent mieux que les terrestres.

Il leur a fallu six ans de travail. Six ans de patientes lectures de milliers d’études scientifiques pour sélectionner au finale 258 études pour lesquelles les auteurs ont minutieusement répertoriés les données de déplacement espèce par espèce. Cette exhumation de données de déplacement en lien avec le réchauffement climatique, s’appuyant parfois sur des observations de la fin du 19e siècle, est même rendue disponible à la communauté scientifique, via le site BioShifts. Cette base de données permet de mieux caractériser la façon dont les animaux et les végétaux répondent à la hausse de température de leur milieu de vie. Ces résultats viennent d’être publiés dans Nature ecology & evolution. Aujourd’hui, les animaux marins remontent vers les pôles à la vitesse de 6 kilomètres par an. Les terrestres gagnent 1 kilomètre par an seulement. “Et encore sommes-nous dans l’épaisseur du trait et il est plus certain qu’en réalité sur les continents la vie n’arrive pas à suivre la hausse rapide des températures et qu’un retard se creuse”, assène Jonathan Lenoir, chargé de recherche CNRS au laboratoire Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (Edysan, CNRS et université de Picardie Jules-Verne).

La hausse globale des températures provoque une remontée des “isothermes”,  terme utilisé par le célèbre géographe et explorateur allemand Alexander von Humboldt pour relier les lieux recevant une même quantité de température en moyenne annuelle. Cette remontée des isothermes a son expression la plus visible avec le retrait du trait de fonte des banquises et des glaciers. “Les espèces se distribuent le long d’isothermes où les conditions de vie leur sont plus optimales, poursuit Jonathan Lenoir. Pour les préserver, il leur faut les suivre si elles bougent, ce qui est le cas aujourd’hui.” C’est d’ailleurs, outre sa précision inégalée, la principale avancée de ce travail : il compare la vitesse des déplacements des espèces à celles de ces lignes invisibles de température.

Il est plus facile de se déplacer en milieu liquide

Suivre sa température idéale est bien plus facile dans le milieu liquide des mers et des océans. Dans les eaux les plus chaudes, par exemple la zone tropicale de l’océan Pacifique central, les espèces suivent plus précisément le glissement des isothermes. Mais les pressions exercées par les activités humaines peuvent aussi accélérer la vitesse de migration. “La surpêche dans la mer du Nord par exemple où les poissons font déjà face à un environnement plus chaud accélère la remontée de l’aire de répartition de ces populations vers le nord”, explique Jonathan Lenoir. L’exemple le plus flagrant est celui du maquereau de la mer du Nord qui remonte au point que les pêcheurs islandais les voient arriver en masse dans leurs eaux territoriales alors qu’ils y étaient beaucoup moins présents par le passé.

Sur terre, la situation du vivant est bien plus mitigée. Par exemple, pour les végétaux a durée de vie longue, comme les arbres, le déplacement des aires de répartition nécessite de se reproduire pour déplacer la génération suivante par dispersion des graines, ce qui prend du temps. Aussi, la montée rapide des températures au cours des dernières décennies est bien trop rapide pour eux. Les organismes terrestres qui se reproduisent plus rapidement sont freinés par d’autres facteurs. En plaine, les activités agricoles, les infrastructures, la sylviculture, l’urbanisme constituent des obstacles souvent infranchissables pour bon nombre d’espèces animales.

On ne connaît qu’une petite partie des stratégies d’adaptation des animaux et végétaux

La remontée en altitude pour retrouver des températures fraîches est plus ou moins possible selon les espèces. Les amphibiens migrent en moyenne 12 mètres par an vers les sommets en montagne. Une stratégie qui bute sur les limites vivables des derniers étages montagnards, augmentant ainsi les probabilités d’extinction. Toutes les familles terrestres souffrent de cette situation, même les oiseaux. S’ils sont moins contraints par les obstacles, ils sont cependant dépendants d’espèces végétales ou d’insectes qui eux, se déplacent moins vite. Face à cette situation, il existe des solutions. “La plus interventionniste consisterait à déplacer les populations vers des zones plus habitables pour elles, ce qui pose des questions écologiques sensibles car ces zones abritent déjà des espèces adaptées à leur lieu de vie, réfléchit Jonathan Lenoir. L’autre idée est d’effacer les obstacles en créant des corridors écologiques permettant aux espèces de trouver leur chemin vers le nord.” Cette solution fait partie des mesures préconisées par le plan biodiversité que vient de publier la Commission européenne.

Bloquées par la fragmentation des habitats naturels, les espèces terrestres adoptent aujourd’hui des stratégies d’adaptation à la hausse des températures : refuge vers des abris plus frais, changement d’habitude de vie pour éviter les heures chaudes et les saisons caniculaires… C’est notamment la stratégie de… l’espèce humaine. Mais il est possible que d’autres techniques d’évitement existent. Les auteurs de l’article font remarquer que leur travail ne concerne que 12 500 espèces, soit 0,6 % de la biodiversité recensée. C’est donc uniquement la partie visible de l’iceberg que l’on voit dériver au gré du réchauffement climatique. La science a devant elle un immense champ à explorer.


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Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre