L’Eveil, c’est-à-dire la découverte de la contemplation, est-il une source de connaissance suffisante ?
La contemplation, avec ses deux dimension de silence et de ressenti, suffit-elle comme source de connaissance ?
Nous avons déjà constaté maintes fois que le progrès dans la contemplation ne correspond pas toujours à un progrès moral. De même, l’éveil compris comme découverte importante de « ce qui nous dépasse » ne va pas toujours de pair avec une maturité morale équivalente.
On pourrait s’attendre à ce que l’intuition de l’unité débouche sur une vie différente, sans égoïsme ni égocentrisme. Mais l’expérience montre que cela ne se passe pas ainsi. De même, les traditions orientales qui inspirent les discours sur l’éveil affirment que l’éveil est une source de connaissance sans limites, y-compris sur le monde. Les éveillés traditionnels sont plus ou moins omniscient et disent des choses sur le monde et son organisation.
Mais que valent ces connaissances ? Méritent-elles même le nom de « connaissance » ?
Prenons par exemple un enseignement célèbre dans la tradition tibétaine du dzogchen : le « Libre des morts », ici dans la belle traduction de Philippe Cornu.
D’abord, nous trouvons des textes magnifiques sur la découverte de la présence nue, avec des descriptions précises et relativement factuelles. Dans ce genre, il y a La Libération naturelle par la vision nue :
 
Dans cette claire vacuité où les pensées passées se sont évanouies sans trace aucune,
Dans cette fraîcheur où les pensées à venir ne sont pas encore nées,
A l’instant où s’établit le mode naturel sans fabrications,
Voici cette conscience qui, à ce moment, est en elle-même tout ordinaire,
Et dès que vous tournez votre regard nu sur vous-même,
Ce regard qui n’a rien à voir débouche sur la clarté,
La Présence dans son évidence, nue et vive… 
(p. 110)
Voici une description limpide du retournement de l’attention sur elle-même, l’éveil à l’ouverture limpide ici, au dessus des épaules, là où les autres voient une tête :
C’est exactement cela, n’est-ce pas ?
Mais dans ce même Libre des morts, on trouve plus loin un enseignement sur les signes présageant une mort imminente :
Si on défèque lorsque point le soleil,
Et qu’il ne s’élève aucune vapeur des matières,
On appelle cela « la disparition des fumées
Du moine dans les pures cités terrestres »,
Et l’on mourra dans neuf jours.
Que de poésie. Et il y en a des pages et des pages dans la même veine. On nous propose également des « remèdes » (p. 334):
Si les excréments ne dégagent aucun vapeur, on se tournera face à l’ouest au moment où le soleil est au plus haut, et l’on inscrira les syllabes des [cinq] éléments sur le crâne d’un cheval. On poussera alors d’innombrables hennissements, autant que l’on pourra, et [la mort] sera repoussée.
Magnifique, n’est-ce pas ?
Des poètes, je vous dis.
Et ce genre de poésie ne se trouve pas que dans le bouddhisme tantrique, mais aussi dans le shivaïsme tantrique, ce qui n’est guère étonnant, attendu que l’un est la source de l’autre. Dans les tantras en général, on trouve souvent des chapitres sur la manière de « tricher avec le Temps », c’est-à-dire avec la mort (kâla-vancana).
Si la vision nue de notre Visage Originel est source d’omniscience, comment expliquer, ici et ailleurs, la coexistence de niveaux de connaissance si différents ?
En fait, dans les exemples cités plus haut, on ose à peine employer le mot de « connaissance ». Il s’agit plutôt de superstition à l’état chimiquement pur.
La seule conclusion possible est que l’éveil ou la contemplation de notre Vrai Visage, en ses dimensions de silence et, même, de ressenti, ne mène nullement à la connaissance du monde. Et dans « monde », on peut inclure le corps et le cerveau. Voilà pourquoi le tantrisme et même le Vedânta, etc., sont plein de superstitions, à côté de descriptions pointant clairement et directement vers notre Vraie Nature.
Voilà pourquoi, à mon sens une vie intérieure qui ne serait faite que de contemplation (c’est-à-dire de vision de notre nature véritable, Soi, Dieu, etc.) serait incomplète. Cette expérience nue doit être complétée par une réflexion. D’où les deux dimensions nécessaires à une vie intérieure équilibrée : contemplation (=expérience pure, nue, vierge de toute interprétation) et réflexion. Voilà pourquoi la vie intérieure est une existence philosophique, c’est-à-dire amoureuse du Vrai.
A mon avis, c’est faute d’admettre ceci que les individus et les groupes se fourvoient et tombent dans des drames.
Une voie spirituelle qui promet le bonheur en échange du renoncement à l’esprit critique n’est-elle pas une escroquerie ?

[Source] https://shivaisme-cachemire.blogspot.com


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Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre