Peu connue au Québec, l’hypnose médicale est de plus en plus utilisée en Europe pour remplacer l’anesthésie générale. Mais l’hypnose permet-elle vraiment de subir une opération sans anesthésie ni douleurs ?

L’origine de la rumeur

En septembre 2018, la presse française rapporte qu’un homme de 88 ans a subi à Lille une opération à cœur ouvert sous hypnose, sans aucune anesthésie. Sauf que la réalité a été embellie et déformée. Le patient a effectivement subi un remplacement de valve cardiaque sous hypnose, mais les chirurgiens ne lui ont pas ouvert la poitrine et il a aussi reçu un anesthésiant local.

L’hypnose médicale et clinique

L’idée d’utiliser l’hypnose en salle d’opération est largement acceptée en Europe. La technique est même enseignée dans certaines universités aux psychologues, dentistes, anesthésistes et infirmiers. Au Québec, l’hypnose est encore loin des portes de l’hôpital, mais beaucoup de psychologues l’utilisent pour traiter l’anxiété, les dépendances, l’insomnie ou aider leurs patients à gérer la douleur. Des dentistes s’en servent également lors d’interventions douloureuses. Le président de l’Association des anesthésiologistes du Québec, Jean-François Courval, commence aussi à s’intéresser à cette technique puisque certains de ses membres l’utilisent en soins palliatifs.

Oubliez toutefois Messmer et ses effets théâtraux. L’hypnose médicale se compare plutôt à un état de relaxation profonde. L’Association américaine de psychologie la définit comme un « état de conscience impliquant une attention focalisée et une moindre sensibilité à l’environnement, caractérisé par une capacité accrue de réponse à la suggestion ».

Diminuer la douleur et la médication

Des études ont démontré que l’hypnose est efficace pour diminuer la douleur. Une revue de littérature parue en 2007 dans le International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis, indique que l’hypnothérapie entraîne une diminution importante des douleurs, comme celles reliées à la fibromyalgie, aux céphalées chroniques et aux cancers. Elle pourrait aussi réduire le recours global à l’analgésie pendant le travail et l’accouchement, selon une revue de la littérature publiée dans Cochrane en 2016.

D’autres recherches seront toutefois nécessaires et devront inclure l’évaluation des femmes quant au soulagement de la douleur et leur sentiment de pouvoir gérer le travail.

La dentiste montréalaise Françoise Agi Spatz, qui pratique l’hypnose depuis plus d’une décennie, souligne qu’il ne s’agit pas de prendre contrôle de l’esprit du patient, mais de l’accompagner pour qu’il atteigne lui-même un état de bien-être. « Je vais proposer au patient de se recentrer sur lui-même, pour entrer dans un autre état, où il est moins conscient de ce qui l’entoure. Je peux lui suggérer de laisser son esprit voyager dans un endroit agréable en faisant appel à ses cinq sens, par exemple le bruit des vagues, l’odeur de la mer, la sensation du sable sous ses pieds. »

Selon des études menées, entre autres, par le chercheur en neurosciences Pierre Rainville de l’Université de Montréal et des chercheurs du CHU de Liège, cet effet sur la douleur s’expliquerait par des changements dans le cerveau des personnes hypnotisées. Grâce aux technologies qui permettent de voir ce qui se passe dans le cerveau d’un patient (tomographie par émission de positons et imagerie cérébrale fonctionnelle), les chercheurs ont observé que certaines régions du cerveau sont activées, amplifiant les effets analgésique et anxiolytique produits par le corps, alors que d’autres sont spécifiquement inhibées, assurant une diminution de la conscience de soi et de la sensorialité du monde environnant. En même temps, les zones cérébrales associées à la vision et aux sensations s’activent comme si le patient vivait réellement les suggestions. Ainsi, pour la personne sous hypnose, la sensation des vagues devient plus convaincante pour son cerveau que la douleur qu’il ressent ailleurs dans son corps.

L’hypnose en chirurgie

C’est en 1992 que l’anesthésiste Marie-Elisabeth Faymonville, directrice du Centre de la douleur du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Liège, en Belgique, a développé l’hypnosédation : une technique qui consiste à combiner une anesthésie locale avec une hypnose et l’administration d’antidouleurs. En plongeant des patients en état d’hypnose, elle est parvenue à exécuter sous anesthésie locale des chirurgies qui requièrent habituellement des anesthésies générales, comme des opérations à la thyroïde, des mastectomies et des greffes. Depuis, les indications se sont multipliées : gastroscopie, coloscopie, lifting, reconstruction maxillo-faciale, opération des varices, opération des dents de sagesse, soins des grands brûlés. Dans tous les cas, les anesthésiants ne sont pas éliminés, mais ils sont administrés à de plus faibles doses.

L’hypnosédation aurait aussi d’autres atouts pour les adultes qui subissent une intervention médicale : meilleure participation du patient, réduction du temps de la procédure et de la récupération. Une méta-analyse publiée en 2013 dans le Clinical Psychology Review indique que l’hypnose réduit l’intensité de la douleur et la détresse émotionnelle (anxiété et dépression combinées), diminue la consommation de médicaments et a des effets positifs sur les paramètres physiologiques (pression sanguine, rythme cardiaque, pouls et saturation en oxygène).

Le problème, c’est que les études sont hétérogènes. Par exemple, pour l’utilisation de l’hypnose lors des interventions chirurgicales, les modalités allaient de l’écoute d’un CD d’hypnose standardisé à l’accompagnement par un professionnel formé à l’hypnose pendant toute la durée de l’intervention. Ici aussi, d’autres études seront donc nécessaires.

L’hypnose en complément

L’utilisation de l’hypnose lors d’une intervention chirurgicale permet de diminuer la consommation de sédatifs et/ou d’anesthésiants. Mais elle ne permet certainement pas de faire une chirurgie à froid, comme l’a prétendu la rumeur en France. Le patient doit toujours être soumis à une anesthésie locale. Il risque toutefois d’être moins anxieux avant d’entrer au bloc opératoire et de prendre moins de temps à se remettre, puisqu’il aura reçu une dose moins forte de médicament.

 

Catherine Crépeau


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Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre