Une équipe française vient d’expliquer comment une protéine peut déclencher la floraison selon le degré de température. La découverte de ce mécanisme pourrait permettre d’empêcher les plantes de fleurir trop tôt du fait du changement climatique.

RECHAUFFEMENT. Cette année encore, les plantes à fleurs les plus précoces ont entamé leur floraison avec au moins deux semaines d’avance. La faute à la hausse des températures mondiales de plus de 1°C depuis le début de l’ère industrielle en 1750 qui provoque des hivers de plus en plus doux et des printemps plus chauds. Cette dernière saison 2019-2020 est d’ailleurs la plus chaude enregistrée depuis 1900. La date de floraison des plantes dépend de nombreux paramètres comme la durée du jour, l’exposition au froid de l’hiver et la température ambiante au printemps. Si les hivers sont trop doux, certaines espèces de plantes ne vont pas fleurir. Si les printemps sont plus chauds, alors certaines plantes vont fleurir plus tôt, avant d’avoir acquis une maturité adéquate pour la production optimale de fruits et graines. C’est ce qu’on appelle la réponse à la température ambiante.

Les plantes ont peu de solutions pour s’adapter à la hausse des températures

Les plantes ne peuvent réagir que de deux manières à ces hausses de température. Soit elles avancent dans l’année les étapes de leur vie, du bourgeonnement à la production des fruits, soit elles « montent » en altitude ou en latitude. Mais cette colonisation des pentes de montagnes et des zones plus septentrionales pour notre hémisphère est bien plus lente que la hausse accélérée des températures. La modification de la phénologie est, elle, plus visible et s’observe par la précocité des récoltes notamment dans les vignobles où les dates de ban sont connues sur plusieurs décennies.

C’est dans ce contexte qu’intervient la découverte effectuée au sein du Laboratoire de physiologie cellulaire et végétale de Grenoble (CNRS/CEA/INRAE/Université Grenoble Alpes) avec l’aide d’équipes coréennes, espagnoles, indiennes et allemandes et que viennent de publier les PNAS.  » Il existe dans la plante un assemblage des trois protéines constituant « l’evening complex » qui donne le signal de la floraison et nous avons déterminé la protéine dont l’activité dépend directement de la température « , expose Chloé Zubieta, chercheuse au CNRS et co-auteure de l’étude.

ELF3 déclenche l’induction florale

« L’evening complex » est composé des trois protéines -la protéine de liaison d’ADN, LUX ARRYTHMO, « EARLY FLOWERING 3 » (ELF3) et « EARLY FLOWERING 4 » (ELF4). On sait depuis les années 1990 que cet assemblage est essentiel dans l’horloge circadienne et la réponse à la température et joue aussi un rôle important dans le déclenchement de la floraison appelé l’induction florale. Ce phénomène se produit au sommet de la tige dans les cellules qui « fabriquent » tiges et feuilles, mais le messager déclencheur vient des feuilles.  » Le florigène est une protéine puissante qui transite par la sève et va activer la floraison de la tige, détaille Chloé Zubieta. « L’evening complex » s’accroche à l’ADN et empêche la montée du niveau du florigène« . Dès que les températures augmentent, l’evening complex se dissocie de l’ADN et le florigène s’accumule, entraînant la floraison.

Ce que les chercheurs grenoblois ont réussi à faire, c’est à déterminer la protéine qui perçoit que la température est suffisamment haute pour provoquer le détachement de l’ADN.  » Nous avons procédé à des analyses in vitro de la plante de laboratoire Arabidopsis thaliana pour connaître le rôle exact de ces protéines et c’est ainsi que nous avons déterminé qu’une seule réagissait à une modification des températures et empêchait l’evening complex de se lier à l’ADN, ELF3 « .

De possibles applications agricoles

Mais si le rôle de ELF3 est bien déterminé et semble essentiel, d’autres gènes et d’autres protéines interviennent secondairement sur le phénomène de floraison. On est donc bien loin de savoir contrôler précisément la floraison des plantes à fleurs qui représentent 90% des végétaux présents sur cette planète. Mais l’ambition est bien présente et explique notamment les collaborations internationales dont s’est entouré le laboratoire. « Cette découverte ouvre la voie à l’utilisation de nouvelles techniques d’éditions génétiques tels que CRISPR-Cas9 qui nous permettraient de modifier l’activité d’evening complex et de déclencher ou retarder la floraison dans l’intérêt des agriculteurs. Et on pourrait aussi imaginer produire 2 à 3 récoltes par an, comme pour le riz en Inde » ambitionne Chloé Zubieta.

Jusqu’à présent, les agriculteurs ont à leur disposition des outils agronomiques, comme la sélection variétale d’espèces plus tardives ou les choix de dates de semis. Ainsi, en France, devant la récurrence des hivers doux, certains céréaliers sèment à l’automne des variétés de printemps, faisant le pari qu’en l’absence de gel hivernal, leur récolte sera plus abondante. L’édition génomique pourra-t-elle s’ajouter à ces solutions? En l’état actuel, de la législation européenne, c’est peu probable. Bien que n’insérant pas dans le capital génétique d’un organisme des gènes provenant d’une autre espèce, les « nouvelles techniques d’amélioration des plantes » comme CRISPR sont considérées comme des Organismes génétiquement modifiés (OGM) selon un arrêt de la Cour de justice européenne de juillet 2018. Ils sont donc soumis aux juridictions des Etats (la France les interdit) et doivent être étiquetés comme tels pour les consommateurs.

Source: https://www.sciencesetavenir.fr/


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Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre